Marie – Vendredi 24 mars, 2023
Bonjour Lise !
Tu ne devineras jamais comment je suis arrivée jusqu’à ton profil Linkedin.
J’ai créé un espace BILS sur Discord pour construire un collectif de qualité où les vrais échanges sont permis, à l’abris des algorithmes.
Dans cet espace, nous discutons de philo, de beaux textes, de créativité, de ligne éditoriale, etc. mais je sollicite également les membres sur mes choix éditoriaux.
Je leur ai demandé tout simplement, sous quel angle ils aimeraient que j’élabore ma prochaine correspondance écrite.
Un mot a bondi dans le serveur : séduction !
Je cite Eric D., membre actif de ce Discord :
« Cupidon et les tchats de rencontre. Comment faut-il écrire pour séduire ? »
J’ai trouvé l’idée brillante.
Les mots justes et beaux me font à moi-même l’effet d’un bouquet de roses et je sais que je ne suis pas la seule.
Alors j’ai cherché sur Google une liste d’apps de rencontre connues.
J’ai fait le lien avec quelques noms sur Linkedin et je suis tombée sur toi !
Tu as travaillé 3 ans en tant que copywriter pour une célèbre application de rencontre : on peut dire que tu as baigné dans le monde de la séduction tel qu’il existe aujourd’hui !
Nous allons parler de plusieurs choses :
- Des rencontres dans notre France en 2023 ;
- De l’intérêt particulier de préserver la voix ou le « tone of voice » d’une marque positionnée sur le marché de la séduction en tant que plume / copywriter
- Et de ta vision de la place de l’écrit dans les relations amoureuses !
Mais pour commencer, dis-moi d’abord qui tu es, d’où tu viens et si ta plume a changé, après 3 ans au cœur du marché des rencontres numériques ?
Lise – 24 mars, 2023
Bonjour Marie !
C’est fou, j’ai l’impression de revenir un siècle en arrière et de t’écrire comme le faisait ma grand-mère avec ses copines.
Un côté très vintage, je suis fan !
Je m’appelle Lise (un prénom qui laisse déjà envisager un penchant littéraire, n’est-ce pas ?), j’ai 29 ans et j’habite à Montreuil.
Je crois que j’ai vraiment découvert le poids des mots en 2nde, j’avais une prof de Français complètement excentrique, et avec elle on analysait les textes d’une manière si poussée que je ne pensais même pas que c’était possible. Elle nous avait même fait étudier Kaamelott et Minority Report, c’était génial.
Après le Bac, j’ai fait une prépa littéraire (les fameuses Hypokhâgne et Khâgne) où j’ai continué de creuser au cœur de la littérature et des langues pour décortiquer chaque texte, chaque mot.
Suite à ça, j’ai décidé de faire de la communication, sans trop savoir ce que ça voulait dire. Je n’ai pas du tout baigné dans ce milieu-là, mes parents étaient instits et voulaient simplement que je réussisse en faisant ce que j’aime.
J’ai vite découvert que ma passion de l’écrit et des mots pouvait trouver sa place dans le monde de la comm, grâce à un métier au nom barbare : la conception-rédaction (ou copywriting comme on dit dans les dîners mondains).
Grâce à ce métier, j’ai appris à écrire pour conquérir les gens, leur faire ressentir tout un tas de choses.
J’ai trouvé ça génial. Mon boulot est devenu ma passion.
Je suis arrivée dans l’univers du dating en 2020, et pendant 3 ans, mon quotidien a été d’écrire autour de sujets liés à l’amour.
Pas commun comme taff !
D’ailleurs, ça faisait toujours rire quand je disais que je bossais pour une app de rencontre.
Pour te répondre, évidemment que ma plume a changé en 3 ans : et je crois qu’elle changeait surtout en fonction de mon rapport personnel à l’amour.
Et ça n’a pas toujours été rose, ahah !
J’étais tantôt Proust, tantôt Jean-Pierre Coffe genre « l’amour c’est difficile, faites attention à vos cœurs les gars ! ».
Mais il y a tellement de choses à dire sur l’amour, les rencontres, c’est un sujet inépuisable je crois.
Et peu importe l’état de mes relations sentimentales, j’ai toujours aimé parler de sentiments.
Tu vois un peu plus qui je suis maintenant ? 🙂
Marie – 24 mars, 2023
J’adore le mot « vintage » 🙂
Il a quelque chose de passé et de délicieux à la fois.
Quelque chose d’une autre époque que l’on aimerait prolonger, parce qu’au fond, on y trouve des richesses qui ne devraient céder à aucune mode.
La lettre par exemple, même numérique, est pour moi un de ces luxes absolus.
On prend le temps de penser, on prend le temps d’écrire, on prend le temps d’attendre une réponse. C’est l’antidote à l’hypercroissance et à la culture de l’agitation !
Au contraire, le mot « ringard » lui est péjoratif.
Je ne sais pas si tu as vu la série « Emily in Paris » sur Netflix (je parie que oui !), mais elle illustre parfaitement le sens du mot « ringard », que le personnage du créateur français “Pierre Cadault” emploie pour décrire l’accoutrement de mauvais goût de l’américaine Emily !
Comme quoi, on peut être vintage et charmant; comme on peut être moderne et ringard !
Ceci étant dit, je suis doublement enchantée d’avoir suivi mon intuition en te contactant; je dois avoir un 6e sens pour les êtres de Lettres 🙂
Ce que tu dis sur l’évolution de ta plume au fil de tes propres histoires de cœur est hyper intéressant.
Je crois que l’idée selon laquelle un(e) copywriter ou CM peut adopter la voix de n’importe quelle marque indépendamment de sa sensibilité est un leurre.
Les exercices de style pour affûter sa plume en se fondant dans la peau d’un(e) autre, c’est génial. Mais pas au quotidien pour un boulot. À moins d’avoir un dédoublement de personnalité !
Je me rappelle quand je gérais les « voix » de 3 marques de sport en même temps.
- L’une d’elles parlait de liberté et d’outdoor, je me glissais dedans comme un poisson dans l’eau. La marque avait une communauté vibrante et gigantesque.
- Les deux autres étaient fades, aseptisées, orientées « fitness pour maigrir » et il y avait clairement un clash de valeurs entre elles et moi. Donc je faisais mon job mais j’étais saoulée.
Toi, qui prenais la plume dans un des registres les plus émotionnels qui soient, comment faisais-tu pour mettre Lise et ses histoires persos un peu de côté ?
Parle moi des outils éditos que tu avais : brand book; ligne édito; etc. et comment tu t’y prenais pour être la garante de la cohérence édito de la marque ?
Lise – 25 mars, 2023
Je suis complètement d’accord avec toi, ce n’est pas pour rien que le vintage est très à la mode !
Il y a une nana que j’adore sur TikTok et Instagram d’ailleurs, son compte s’appelle LauraTravelBook, et je ne sais pas comment t’expliquer, mais elle a un côté vintage hyper réconfortant, elle fait de l’aquarelle, va faire des achats dans des brocantes, et elle remet la simplicité au goût du jour.
Genre elle se cuisine une soupe, ça devient le truc le plus sympa que tu as vu dans ta journée ! En plus elle a une voix hyper apaisante (moi qui déteste l’ASMR, ça me détend grave !).
Alors figure-toi que je n’ai pas vu Emily in Paris. Trop à l’eau de rose et trop cliché pour moi je crois.
Mais je vois ce que tu veux dire par le côté ringard.
D’ailleurs, on a tendance à dire et montrer que Paris est la capitale du bon goût, mais je peux te dire que quand je prends le métro, je n’en ai pas toujours l’impression !
Je suis d’accord avec toi qu’un.e copywriter ne peut pas se fondre dans chaque marque, notamment à cause de son vécu, son histoire, sa sensibilité.
Néanmoins, je crois que c’est là le défi de notre job : savoir se faire porte-voix de n’importe quel sujet.
Par exemple, je n’y connais rien au domaine du luxe.
J’ai grandi dans une famille modeste, en banlieue, avec des gens qui venaient des quatre coins du monde, un côté hyper cosmopolite que j’adore et que je ne quitterais pour rien au monde, et pour moi, le luxe c’est ça.
Mais pour le commun des mortels, le luxe, c’est simplement ce qui est cher.
Et écrire pour les marques de ce secteur, c’est très souvent synonyme d’emphase, de langage châtié.
Même si j’aime beaucoup écrire de manière poétique, lyrique, je sens que ma place n’est pas dans ce genre de travail de rédaction, parce que j’ai le sentiment d’écrire pour une cible que je ne connais pas. Ça rejoint ce que tu disais à propos des marques « fitness pour maigrir ».
Je suis une personne hyper empathique et quand j’écris, j’ai besoin de me mettre à la place de la personne qui va me lire pour savoir si ce que je rédige est bon ou mauvais.
Mais je pense qu’il est nécessaire de savoir s’adapter et aller au-delà de ce qu’on aime ou de ce qu’on sait faire.
En tous cas, j’essaie !
Bosser pour une app de dating m’a justement obligée à faire la part des choses, à ne pas être trop impliquée émotionnellement dans ce que j’écrivais.
J’étais la seule copywriter de la boîte, donc tous les contenus (longs ou courts) étaient rédigés par moi.
Sur la partie 100% éditoriale, c’est là que c’était le plus difficile.
Je devais la jouer « coach dating » alors que j’avais moi-même décidé d’arrêter d’utiliser les apps après de multiples déceptions.
Donc, j’utilisais mes expériences perso pour « dénoncer » certains comportements qu’on ne souhaite plus voir sur les apps de rencontre. Et ça a fonctionné !
L’objectif c’était d’amener du positif et être dans la pédagogie, je crois que ça me donnait un peu l’impression d’éduquer les utilisateurs.
Je me disais que ça pourrait peut-être éviter à certaines personnes de vivre ce que moi j’avais vécu…
En matière d’outils édito :
- On avait bossé en interne sur la réalisation d’un tone of voice permettant de définir un fil rouge éditorial sur tous nos supports.
- Et selon les canaux, on avait adapté certaines règles pour coller aux contraintes techniques (notamment la longueur possible du texte). C’était un doc hyper fourni qui a permis d’uniformiser nos prises de parole, en interne et avec nos partenaires.
Et toi Marie, tu crois que tu vivrais comment le fait de devoir écrire pour une app de rencontre ? Tu crois que tu arriverais à faire la part des choses ?
Marie – 27 mars, 2023
Ce que tu dis est assez paradoxal ou peut-être tout simplement nuancé !
- D’un côté tu sembles dire qu’une plume ne peut pas « tout écrire » (à l’inverse d’une IA d’ailleurs), parce qu’il y a une dimension affective unique chez chaque personne qui la prédispose à écrire plus facilement dans un registre ou dans un autre.
- D’un autre, tu me parles d’adaptation nécessaire pour aller au-delà de sa bulle personnelle.
En fait, ce que je comprends là dedans – et tu me diras si c’est juste – c’est qu’une personne dont le métier est d’écrire ne peut pas écrire sur absolument tout, mais une fois dans un registre qui lui convient, il y a un effort de détachement à produire pour sortir de sa peau et adopter celle de la marque. C’est ça ?
Pour illustrer cette idée et répondre à ta question sur ma posture en tant que plume d’une app de rencontre, je te dirais que mon choix serait assez radical 🙂
- Si les valeurs de l’app sont en accord avec les miennes et que je sens que mes penchants naturels pourraient bénéficier à l’app, j’accepterais la mission.
- Si l’app fait la promotion de modes relationnels qui ne m’intéressent pas voire que je désapprouve (ex : une certaine app qui pousse aux relations extra conjugales), je refuserais la mission.
Ces choix-là m’ont fait perdre beaucoup d’opportunités de travail, mais je ne supporte pas d’écrire en freinant des 4 fers.
Ça bloque mon esprit, mon élan, ma créativité.
En revanche, une fois la mission acceptée :
- Soit il y a une ligne édito déjà définie et j’essaie de me fondre dedans le mieux possible voire de la faire évoluer.
- Soit elle n’existe pas et je passe les fondateurs et leurs collaborateurs à la moulinette de la maïeutique pour faire émerger une « voix » commune avant d’écrire.
Mais c’est un défi quotidien de « se mettre de côté » et de laisser la marque prendre toute la place, je crois que je suis meilleure dans mes registres familiers en fait !
Lise – 29 mars, 2023
Tu résumes bien les choses : écrire pour une marque c’est se fondre en elle, pour elle, et parvenir à se faire oublier en tant que personne pour faire exister la marque, comme si elle avait sa propre voix.
C’est comme une personnification en fait.
Tu parles de « jeu de rôle » et je trouve que la métaphore théâtrale est hyper à propos.
Pourtant, je pense aussi qu’il est presque nécessaire de pouvoir écrire sur tout quand on fait un métier tel que le nôtre.
Donc je suis d’accord avec toi : c’est très schizophrène comme état d’esprit !
Mais en définitive, j’ai beau me placer en tant que voix de marque, je pense que c’est impossible de disparaître complètement quand on écrit pour un client.
D’ailleurs, quand on est pris pour un poste dans une boîte, ou si on est mis.e sur tel ou tel sujet quand on bosse en agence, je crois que le choix se fait surtout en fonction de notre sensibilité, non ?
Par exemple, un.e Directeur.ice de Création choisit les personnes qu’il ou elle met sur tel ou tel sujet en fonction des affinités de ses concepteurs-rédacteurs pour lesdits sujets, tu ne crois pas ?
Ça veut bien dire que la sensibilité entre en compte pour bosser quand on est rédac selon moi.
Et pour filer la métaphore du théâtre, quand tu écris un rôle pour quelqu’un, tu fais bien un casting pour savoir qui l’interprétera au mieux, et il n’y a qu’un.e seul. élu.e. CQFD, tu ne crois pas ?
Marie – 31 mars, 2023
Je connais mal l’univers des castings mais pour avoir entendu des acteurs ou actrices dire “je n’ai pas été pris pour le rôle” et expliquer leur mésaventure, je crois que tu as raison.
Les “échecs” de casting pour les artistes ne sont pas toujours liés à un manque de talent mais à un manque d’adéquation entre une personne et un rôle.
C’est pour cette raison que je trouve l’histoire, le style et la sensibilité humaine si précieux. Il ne suffit pas d’avoir un cerveau qui va à toute vitesse voire d’utiliser des IA ; il faut aussi mettre du vécu et des tripes dans ses textes.
“Mettre des tripes” ça ne veut pas forcément dire “écrire du drama”, ça veut dire “incarner” ce que l’on écrit.
Ne pas faire de la pure restitution mentale ou du pur relais de connaissances (pour ça il y a Wikipédia). Mais faire des liens parfois improbables, oser les paradoxes, oser le mélange des genres, oser les ponts impromptus 🙂
Parle-moi d’un cas concret que tu as du gérer en tant que copywriter.
Est-ce que tu aurais un exemple à me donner d’une fois où tu as dû rédiger un contenu en collant à la ligne édito de la marque de dating ?
Comment procèdes-tu en général ?
Tu écris d’abord en freestyle et ensuite tu réécris l’ensemble en fonction des specs éditos de la marque ? Ou bien dès le départ tu fais un jeu de rôle et tu mets Lise sagement dans un placard le temps d’écrire ? ^^
Beaucoup de mes lecteurs s’interrogent sur ce processus !
Lise – 5 avril, 2023
Durant l’été 2022, j’ai réalisé toute la conception-rédaction d’une campagne de pub :
- Rédaction du concept de la campagne (ce qu’on cherche à raconter),
- Signature de la campagne (le slogan comme on a l’habitude de dire),
- Script du film qui passerait en télé et sur les autres plateformes
- Déclinaisons du concept pour d’autres canaux (réseaux sociaux, acquisition, etc…).
Pour cette campagne, on a décidé de bousculer complètement les habitudes de communication de la boîte.
On ne parlerait plus de la promesse de l’app qui est :
« Retrouvez qui vous croisez »
(Axé géolocalisation, croisement, retrouver des personnes qu’on a manquées dans la vraie vie…)
On parlerait plutôt d’une tendance dating qui colle au quotidien des utilisateurs de l’app :
La “dating fatigue”
(C’est-à-dire le fait d’en avoir ras le bol des expériences sur les apps de rencontre qui ne se passent pas toujours comme on voudrait et qui sont parfois décevantes).
Quand tu pars d’une tendance telle que celle-là pour créer ton concept, tu ne peux qu’être honnête dans la manière dont tu t’adresses à ta cible, parce que tu fais preuve d’empathie, tu lui montres que tu as compris ce qu’elle vit.
Tu vends ton produit autrement.
Tu ne dis plus “comment il fonctionne” pour le vendre, mais tu parles au contraire des “expériences (imparfaites) qu’il va t’aider à vivre”.
Et même si ça semble anecdotique, pour une boîte qui a eu l’habitude de se différencier uniquement par sa technologie (une utilisation différente de la géolocalisation VS les concurrents), ça change énormément de choses dans le choix des mots d’une campagne.
On a quand même conservé deux piliers de notre ligne édito à cette occasion :
- Le registre de “vraie vie” qui amène à se retrouver face à son Crush lors d’un date et de le découvrir en chair et en os. Cela s’est matérialisé par le fait de montrer de vraies situations de dating, parfois un peu foireuses, sans maquiller la réalité.
- Le mot « Crush » lui même : terme propriétaire de la marque, là où les concurrents disent « Match.
L’objectif ultime était de travailler notre image en nous rendant « trendy » plutôt que d’encourager à mort à télécharger l’app. Tu vois la différence ?
En communiquant de cette manière, on a considéré que notre différenciation technologique était désormais acquise auprès de notre cible (les gens savent quelle app de rencontre permet de retrouver les personnes qu’on a croisées dans la vraie vie), et qu’il fallait montrer un autre visage de notre marque, entre :
- Proximité,
- Empathie,
- Humour,
- Dérision.
Rares sont les marques qui acceptent de communiquer sur leurs défauts ou les travers de l’expérience qu’elles font vivre pour séduire de nouveaux utilisateurs.
Mais on a décidé de le faire. Et fierté : ça a cartonné !
Marie – 06 avril, 2023
Intéressant. Donc vous êtes partis des piliers de votre marque et vous les avez fait évoluer à travers cette campagne.
C’est important de rappeler que les partis pris d’une marque et sa ligne éditoriale sont des attributs mouvants.
Ils créent de la cohérence et de l’impact mais ils doivent aussi rester proches du réel. Donc être susceptibles de s’affiner au fil de l’évolution des tendances (sociétales, business, technologiques, etc.)
J’ai l’impression que c’est ce que tu as réussi à faire, bravo !
Pour conclure j’ai envie de te demander ce que tu penses de l’écrit dans la construction d’une relation amoureuse !
Tu as baigné dans ce monde-là pendant 3 ans : est ce que tu trouves que la plupart des gens sont à l’aise à l’écrit ? Pour exprimer leur intérêt, leur attirance, leurs sentiments ?
Lise – 10 avril, 2023
Dans le dating, tout se joue d’abord à l’écrit. Enfin, non. D’abord, il y a les photos ahah !
Mais quand on veut draguer, on doit forcément passer par l’écrit, et en ayant bossé dans ce milieu (mais aussi en tant qu’utilisatrice des apps), je me suis bien rendu compte que c’était compliqué de séduire avec les mots. Parfois on ne se comprend pas, on passe à côté de blagues qui auraient pu fonctionner à l’oral, ou d’un ton qui aurait donné un autre sens à une phrase.
Et puis savoir comment lancer la conversation aussi, c’est hyper dur.
Le manque d’originalité pour aborder l’autre provoque bien souvent l’absence de réponse.
D’ailleurs, on a tendance à critiquer (à juste titre selon moi) le « Salut ça va ? » que les gens envoient par dizaines pour aborder leurs crushs/matchs.
Et ça, les apps de dating le savent très bien, car elles proposent bien souvent des « ice breakers » (des messages pré-écrits un peu fun pour lancer la conversation et briser la glace). Disons qu’elles savent qu’aborder quelqu’un sur une app peut être aussi challengeant que dans la vraie vie alors elles ont tendance à guider leurs utilisateurs pour y arriver.
Pour te répondre à titre perso, en ayant échangé avec des mecs sur les apps, déjà j’ai été frappée par les fautes de français, d’orthographe, de syntaxe, mais bon, ça c’est mon côté rigide de rédactrice qui prend le dessus.
Mais surtout, on sent que les gens ont la flemme de séduire en fait. Il faut que tout aille super vite : on se dit bonjour, on échange vite fait, on se voit en vrai, et advienne que pourra.
Moi j’ai besoin de faire monter la curiosité sur l’autre quand même !
Elles ont vachement moins de gueule les Liaisons dangereuses d’aujourd’hui !
Marie – 12 avril, 2023
Ah MERCI Lise pour cette réponse à la fois personnelle et honnête !
C’est fou que les apps de rencontre suggèrent des réponses, je ne savais pas ! Un peu comme les raccourcis Gmail quoi !
Tristesse un peu…
Je ne juge pas les gens qui ont du mal avec l’écriture mais plus la société qui prive les gens de leur liberté en leur faisant croire qu’écrire est un fardeau.
Qu’il faut gagner du temps à tout prix et utiliser les IA pour faire le job à sa place.
Que l’écriture est un produit de masse qui n’a de valeur que s’il est rentable.
Mais ce prisme est terrible parce qu’il occulte toute la dimension libératrice voire libertaire de l’écriture !
Si tu n’arrives même pas à écrire ce que tu ressens à quelqu’un qui t’intéresse; si tu n’arrives à sonder l’autre; à faire monter le désir; à jouer avec le rythme d’une conversation; à te dévoiler ou à cultiver le mystère, quand il le faut, à la dose que tu veux; bref, si tu as besoin qu’un robot te souffle tes propres mots… où est ta liberté ?
Je m’arrête là sur cette question qui n’a rien d’une lapalissade et qui reflète toute ma vision de la puissance de l’écriture.
Merci infiniment Lise pour cette correspondance passionnante entre sujets bien concrets de conception rédaction et sujets plus philosophiques d’autant plus incontournables qu’il est question de séduction.
Séduire étant je crois, qu’on l’admette ou pas, la finalité de n’importe quel texte !