Marie –Â Vendredi 24 mars, 2023
Bonjour Lise !
Tu ne devineras jamais comment je suis arrivĂ©e jusqu’Ă Â ton profil Linkedin.
J’ai crĂ©Ă© un espace BILS sur Discord pour construire un collectif de qualitĂ© oĂč les vrais Ă©changes sont permis, Ă l’abris des algorithmes.
Dans cet espace, nous discutons de philo, de beaux textes, de créativité, de ligne éditoriale, etc. mais je sollicite également les membres sur mes choix éditoriaux.
Je leur ai demandĂ© tout simplement, sous quel angle ils aimeraient que j’Ă©labore ma prochaine correspondance Ă©crite.
Un mot a bondi dans le serveur : séduction !
Je cite Eric D., membre actif de ce Discord :
“Cupidon et les tchats de rencontre. Comment faut-il Ă©crire pour sĂ©duire ?”
J’ai trouvĂ© l’idĂ©e brillante.
Les mots justes et beaux me font Ă moi-mĂȘme l’effet d’un bouquet de roses et je sais que je ne suis pas la seule.
Alors j’ai cherchĂ© sur Google une liste d’apps de rencontre connues.
J’ai fait le lien avec quelques noms sur Linkedin et je suis tombĂ©e sur toi !
Tu as travaillĂ© 3 ans en tant que copywriter pour une cĂ©lĂšbre application de rencontre : on peut dire que tu as baignĂ© dans le monde de la sĂ©duction tel qu’il existe aujourd’hui !
Nous allons parler de plusieurs choses :
- Des rencontres dans notre France en 2023Â ;
- De l’intĂ©rĂȘt particulier de prĂ©server la voix ou le “tone of voice” d’une marque positionnĂ©e sur le marchĂ© de la sĂ©duction en tant que plume / copywriter
- Et de ta vision de la place de l’Ă©crit dans les relations amoureuses !
Mais pour commencer, dis-moi d’abord qui tu es, d’oĂč tu viens et si ta plume a changĂ©, aprĂšs 3 ans au cĆur du marchĂ© des rencontres numĂ©riques ?
Lise –Â 24 mars, 2023Â
Bonjour Marie !
C’est fou, j’ai l’impression de revenir un siĂšcle en arriĂšre et de t’Ă©crire comme le faisait ma grand-mĂšre avec ses copines.
Un cÎté trÚs vintage, je suis fan !
Je m’appelle Lise (un prĂ©nom qui laisse dĂ©jĂ envisager un penchant littĂ©raire, n’est-ce pas ?), j’ai 29 ans et j’habite Ă Montreuil.
Je crois que j’ai vraiment dĂ©couvert le poids des mots en 2nde, j’avais une prof de Français complĂštement excentrique, et avec elle on analysait les textes d’une maniĂšre si poussĂ©e que je ne pensais mĂȘme pas que c’Ă©tait possible. Elle nous avait mĂȘme fait Ă©tudier Kaamelott et Minority Report, c’Ă©tait gĂ©nial.
AprĂšs le Bac, j’ai fait une prĂ©pa littĂ©raire (les fameuses HypokhĂągne et KhĂągne) oĂč j’ai continuĂ© de creuser au cĆur de la littĂ©rature et des langues pour dĂ©cortiquer chaque texte, chaque mot.
Suite à ça, j’ai dĂ©cidĂ© de faire de la communication, sans trop savoir ce que ça voulait dire. Je n’ai pas du tout baignĂ© dans ce milieu-lĂ , mes parents Ă©taient instits et voulaient simplement que je rĂ©ussisse en faisant ce que j’aime.
J’ai vite dĂ©couvert que ma passion de l’Ă©crit et des mots pouvait trouver sa place dans le monde de la comm, grĂące Ă un mĂ©tier au nom barbare : la conception-rĂ©daction (ou copywriting comme on dit dans les dĂźners mondains).
GrĂące Ă ce mĂ©tier, j’ai appris Ă Ă©crire pour conquĂ©rir les gens, leur faire ressentir tout un tas de choses.
J’ai trouvĂ© ça gĂ©nial. Mon boulot est devenu ma passion.
Je suis arrivĂ©e dans l’univers du dating en 2020, et pendant 3 ans, mon quotidien a Ă©tĂ© d’Ă©crire autour de sujets liĂ©s Ă l’amour.
Pas commun comme taff !
D’ailleurs, ça faisait toujours rire quand je disais que je bossais pour une app de rencontre.
Pour te rĂ©pondre, évidemment que ma plume a changĂ© en 3 ans : et je crois qu’elle changeait surtout en fonction de mon rapport personnel Ă l’amour.
Et ça n’a pas toujours Ă©tĂ© rose, ahah !
JâĂ©tais tantĂŽt Proust, tantĂŽt Jean-Pierre Coffe genre “l’amour c’est difficile, faites attention Ă vos cĆurs les gars !”.
Mais il y a tellement de choses Ă dire sur l’amour, les rencontres, c’est un sujet inĂ©puisable je crois.
Et peu importe l’Ă©tat de mes relations sentimentales, j’ai toujours aimĂ© parler de sentiments.
Tu vois un peu plus qui je suis maintenant ? đ
Marie – 24 mars, 2023
Jâadore le mot « vintage » đ
Il a quelque chose de passé et de délicieux à la fois.
Quelque chose dâune autre Ă©poque que lâon aimerait prolonger, parce quâau fond, on y trouve des richesses qui ne devraient cĂ©der Ă aucune mode.
La lettre par exemple, mĂȘme numĂ©rique, est pour moi un de ces luxes absolus.
On prend le temps de penser, on prend le temps dâĂ©crire, on prend le temps dâattendre une rĂ©ponse. Câest lâantidote Ă lâhypercroissance et Ă la culture de lâagitation !
Au contraire, le mot « ringard » lui est péjoratif.
Je ne sais pas si tu as vu la sĂ©rie « Emily in Paris » sur Netflix (je parie que oui !), mais elle illustre parfaitement le sens du mot « ringard », que le personnage du crĂ©ateur français âPierre Cadaultâ emploie pour dĂ©crire lâaccoutrement de mauvais goĂ»t de lâamĂ©ricaine Emily !
Comme quoi, on peut ĂȘtre vintage et charmant; comme on peut ĂȘtre moderne et ringard !
Ceci Ă©tant dit, je suis doublement enchantĂ©e dâavoir suivi mon intuition en te contactant; je dois avoir un 6e sens pour les ĂȘtres de Lettres đ
Ce que tu dis sur lâĂ©volution de ta plume au fil de tes propres histoires de cĆur est hyper intĂ©ressant.
Je crois que lâidĂ©e selon laquelle un(e) copywriter ou CM peut adopter la voix de nâimporte quelle marque indĂ©pendamment de sa sensibilitĂ© est un leurre.
Les exercices de style pour affĂ»ter sa plume en se fondant dans la peau dâun(e) autre, câest gĂ©nial. Mais pas au quotidien pour un boulot. Ă moins dâavoir un dĂ©doublement de personnalitĂ© !
Je me rappelle quand je gĂ©rais les « voix » de 3 marques de sport en mĂȘme temps.
- Lâune dâelles parlait de libertĂ© et dâoutdoor, je me glissais dedans comme un poisson dans lâeau. La marque avait une communautĂ© vibrante et gigantesque.
- Les deux autres Ă©taient fades, aseptisĂ©es, orientĂ©es « fitness pour maigrir » et il y avait clairement un clash de valeurs entre elles et moi. Donc je faisais mon job mais jâĂ©tais saoulĂ©e.
Toi, qui prenais la plume dans un des registres les plus émotionnels qui soient, comment faisais-tu pour mettre Lise et ses histoires persos un peu de cÎté ?
Parle moi des outils Ă©ditos que tu avais : brand book; ligne Ă©dito; etc. et comment tu tây prenais pour ĂȘtre la garante de la cohĂ©rence Ă©dito de la marque ?
Lise – 25 mars, 2023
Je suis complĂštement d’accord avec toi, ce n’est pas pour rien que le vintage est trĂšs Ă la mode !
Il y a une nana que j’adore sur TikTok et Instagram d’ailleurs, son compte s’appelle LauraTravelBook, et je ne sais pas comment t’expliquer, mais elle a un cĂŽtĂ© vintage hyper rĂ©confortant, elle fait de l’aquarelle, va faire des achats dans des brocantes, et elle remet la simplicitĂ© au goĂ»t du jour.
Genre elle se cuisine une soupe, ça devient le truc le plus sympa que tu as vu dans ta journĂ©e ! En plus elle a une voix hyper apaisante (moi qui dĂ©teste l’ASMR, ça me dĂ©tend grave !).
Alors figure-toi que je n’ai pas vu Emily in Paris. Trop Ă l’eau de rose et trop clichĂ© pour moi je crois.
Mais je vois ce que tu veux dire par le cÎté ringard.
D’ailleurs, on a tendance Ă dire et montrer que Paris est la capitale du bon goĂ»t, mais je peux te dire que quand je prends le mĂ©tro, je n’en ai pas toujours l’impression !
Je suis d’accord avec toi qu’un.e copywriter ne peut pas se fondre dans chaque marque, notamment Ă cause de son vĂ©cu, son histoire, sa sensibilitĂ©.
NĂ©anmoins, je crois que c’est lĂ le dĂ©fi de notre job : savoir se faire porte-voix de n’importe quel sujet.
Par exemple, je n’y connais rien au domaine du luxe.
J’ai grandi dans une famille modeste, en banlieue, avec des gens qui venaient des quatre coins du monde, un cĂŽtĂ© hyper cosmopolite que j’adore et que je ne quitterais pour rien au monde, et pour moi, le luxe c’est ça.
Mais pour le commun des mortels, le luxe, c’est simplement ce qui est cher.
Et Ă©crire pour les marques de ce secteur, c’est trĂšs souvent synonyme d’emphase, de langage chĂątiĂ©.
MĂȘme si j’aime beaucoup Ă©crire de maniĂšre poĂ©tique, lyrique, je sens que ma place n’est pas dans ce genre de travail de rĂ©daction, parce que j’ai le sentiment d’Ă©crire pour une cible que je ne connais pas. Ăa rejoint ce que tu disais Ă propos des marques “fitness pour maigrir”.
Je suis une personne hyper empathique et quand j’Ă©cris, j’ai besoin de me mettre Ă la place de la personne qui va me lire pour savoir si ce que je rĂ©dige est bon ou mauvais.
Mais je pense qu’il est nĂ©cessaire de savoir s’adapter et aller au-delĂ de ce qu’on aime ou de ce qu’on sait faire.
En tous cas, j’essaie !
Bosser pour une app de dating m’a justement obligĂ©e Ă faire la part des choses, Ă ne pas ĂȘtre trop impliquĂ©e Ă©motionnellement dans ce que j’Ă©crivais.
J’Ă©tais la seule copywriter de la boĂźte, donc tous les contenus (longs ou courts) Ă©taient rĂ©digĂ©s par moi.
Sur la partie 100% Ă©ditoriale, c’est lĂ que c’Ă©tait le plus difficile.
Je devais la jouer “coach dating” alors que j’avais moi-mĂȘme dĂ©cidĂ© d’arrĂȘter d’utiliser les apps aprĂšs de multiples dĂ©ceptions.
Donc, j’utilisais mes expĂ©riences perso pour “dĂ©noncer” certains comportements qu’on ne souhaite plus voir sur les apps de rencontre. Et ça a fonctionnĂ© !
L’objectif c’Ă©tait d’amener du positif et ĂȘtre dans la pĂ©dagogie, je crois que ça me donnait un peu l’impression d’Ă©duquer les utilisateurs.
Je me disais que ça pourrait peut-ĂȘtre Ă©viter Ă certaines personnes de vivre ce que moi j’avais vĂ©cu…
En matiĂšre d’outils Ă©dito :
- On avait bossĂ© en interne sur la rĂ©alisation d’un tone of voice permettant de dĂ©finir un fil rouge Ă©ditorial sur tous nos supports.
- Et selon les canaux, on avait adaptĂ© certaines rĂšgles pour coller aux contraintes techniques (notamment la longueur possible du texte). C’Ă©tait un doc hyper fourni qui a permis d’uniformiser nos prises de parole, en interne et avec nos partenaires.
Et toi Marie, tu crois que tu vivrais comment le fait de devoir Ă©crire pour une app de rencontre ? Tu crois que tu arriverais Ă faire la part des choses ?
Marie – 27 mars, 2023
Ce que tu dis est assez paradoxal ou peut-ĂȘtre tout simplement nuancĂ© !
- D’un cĂŽtĂ©Â tu sembles dire qu’une plume ne peut pas “tout Ă©crire” (Ă l’inverse d’une IA d’ailleurs), parce qu’il y a une dimension affective unique chez chaque personne qui la prĂ©dispose Ă Ă©crire plus facilement dans un registre ou dans un autre.
- D’un autre, tu me parles d’adaptation nĂ©cessaire pour aller au-delĂ de sa bulle personnelle.
En fait, ce que je comprends lĂ dedans – et tu me diras si c’est juste – c’est qu’une personne dont le mĂ©tier est d’Ă©crire ne peut pas Ă©crire sur absolument tout, mais une fois dans un registre qui lui convient, il y a un effort de dĂ©tachement Ă produire pour sortir de sa peau et adopter celle de la marque. C’est ça ?
Pour illustrer cette idĂ©e et rĂ©pondre Ă ta question sur ma posture en tant que plume d’une app de rencontre, je te dirais que mon choix serait assez radical đ
- Si les valeurs de l’app sont en accord avec les miennes et que je sens que mes penchants naturels pourraient bĂ©nĂ©ficier Ă l’app, j’accepterais la mission.
- Si l’app fait la promotion de modes relationnels qui ne m’intĂ©ressent pas voire que je dĂ©sapprouve (ex : une certaine app qui pousse aux relations extra conjugales), je refuserais la mission.
Ces choix-lĂ m’ont fait perdre beaucoup dâopportunitĂ©s de travail, mais je ne supporte pas d’Ă©crire en freinant des 4 fers.
Ăa bloque mon esprit, mon Ă©lan, ma crĂ©ativitĂ©.
En revanche, une fois la mission acceptée :
- Soit il y a une ligne Ă©dito dĂ©jĂ dĂ©finie et j’essaie de me fondre dedans le mieux possible voire de la faire Ă©voluer.
- Soit elle n’existe pas et je passe les fondateurs et leurs collaborateurs Ă la moulinette de la maĂŻeutique pour faire Ă©merger une “voix” commune avant d’Ă©crire.
Mais c’est un dĂ©fi quotidien de “se mettre de cĂŽtĂ©” et de laisser la marque prendre toute la place, je crois que je suis meilleure dans mes registres familiers en fait !
Lise – 29 mars, 2023
Tu rĂ©sumes bien les choses : Ă©crire pour une marque c’est se fondre en elle, pour elle, et parvenir Ă se faire oublier en tant que personne pour faire exister la marque, comme si elle avait sa propre voix.
C’est comme une personnification en fait.
Tu parles de “jeu de rĂŽle” et je trouve que la mĂ©taphore thĂ©Ăątrale est hyper Ă propos.
Pourtant, je pense aussi qu’il est presque nĂ©cessaire de pouvoir Ă©crire sur tout quand on fait un mĂ©tier tel que le nĂŽtre.
Donc je suis d’accord avec toi :Â c’est trĂšs schizophrĂšne comme Ă©tat d’esprit !
Mais en dĂ©finitive, jâai beau me placer en tant que voix de marque, je pense que c’est impossible de disparaĂźtre complĂštement quand on Ă©crit pour un client.
D’ailleurs, quand on est pris pour un poste dans une boĂźte, ou si on est mis.e sur tel ou tel sujet quand on bosse en agence, je crois que le choix se fait surtout en fonction de notre sensibilitĂ©, non ?
Par exemple, un.e Directeur.ice de CrĂ©ation choisit les personnes qu’il ou elle met sur tel ou tel sujet en fonction des affinitĂ©s de ses concepteurs-rĂ©dacteurs pour lesdits sujets, tu ne crois pas ?
Ăa veut bien dire que la sensibilitĂ© entre en compte pour bosser quand on est rĂ©dac selon moi.
Et pour filer la mĂ©taphore du thĂ©Ăątre, quand tu Ă©cris un rĂŽle pour quelqu’un, tu fais bien un casting pour savoir qui l’interprĂ©tera au mieux, et il n’y a qu’un.e seul. Ă©lu.e. CQFD, tu ne crois pas ?
Marie – 31 mars, 2023
Je connais mal lâunivers des castings mais pour avoir entendu des acteurs ou actrices dire âje nâai pas Ă©tĂ© pris pour le rĂŽleâ et expliquer leur mĂ©saventure, je crois que tu as raison.
Les âĂ©checsâ de casting pour les artistes ne sont pas toujours liĂ©s Ă un manque de talent mais Ă un manque dâadĂ©quation entre une personne et un rĂŽle.
Câest pour cette raison que je trouve lâhistoire, le style et la sensibilitĂ© humaine si prĂ©cieux. Il ne suffit pas dâavoir un cerveau qui va Ă toute vitesse voire dâutiliser des IA ; il faut aussi mettre du vĂ©cu et des tripes dans ses textes.
âMettre des tripesâ ça ne veut pas forcĂ©ment dire âĂ©crire du dramaâ, ça veut dire âincarnerâ ce que lâon Ă©crit.
Ne pas faire de la pure restitution mentale ou du pur relais de connaissances (pour ça il y a WikipĂ©dia). Mais faire des liens parfois improbables, oser les paradoxes, oser le mĂ©lange des genres, oser les ponts impromptus đ
Parle-moi dâun cas concret que tu as du gĂ©rer en tant que copywriter.
Est-ce que tu aurais un exemple Ă me donner d’une fois oĂč tu as dĂ» rĂ©diger un contenu en collant Ă la ligne Ă©dito de la marque de dating ?
Comment procÚdes-tu en général ?
Tu Ă©cris d’abord en freestyle et ensuite tu rĂ©Ă©cris l’ensemble en fonction des specs Ă©ditos de la marque ? Ou bien dĂšs le dĂ©part tu fais un jeu de rĂŽle et tu mets Lise sagement dans un placard le temps d’Ă©crire ? ^^
Beaucoup de mes lecteurs s’interrogent sur ce processus !
Lise – 5 avril, 2023
Durant l’Ă©tĂ© 2022, j’ai rĂ©alisĂ© toute la conception-rĂ©daction dâune campagne de pub :
- RĂ©daction du concept de la campagne (ce qu’on cherche Ă raconter),
- Signature de la campagne (le slogan comme on a l’habitude de dire),
- Script du film qui passerait en télé et sur les autres plateformes
- DĂ©clinaisons du concept pour d’autres canaux (rĂ©seaux sociaux, acquisition, etc…).
Pour cette campagne, on a décidé de bousculer complÚtement les habitudes de communication de la boßte.
On ne parlerait plus de la promesse de l’app qui est :
“Retrouvez qui vous croisez”
(AxĂ© gĂ©olocalisation, croisement, retrouver des personnes qu’on a manquĂ©es dans la vraie vie…)
On parlerait plutĂŽt d’une tendance dating qui colle au quotidien des utilisateurs de l’app :
La âdating fatigueâ
(Câest-Ă -dire le fait d’en avoir ras le bol des expĂ©riences sur les apps de rencontre qui ne se passent pas toujours comme on voudrait et qui sont parfois dĂ©cevantes).
Quand tu pars d’une tendance telle que celle-lĂ pour crĂ©er ton concept, tu ne peux qu’ĂȘtre honnĂȘte dans la maniĂšre dont tu t’adresses Ă ta cible, parce que tu fais preuve d’empathie, tu lui montres que tu as compris ce qu’elle vit.
Tu vends ton produit autrement.
Tu ne dis plus âcomment il fonctionneâ pour le vendre, mais tu parles au contraire des âexpĂ©riences (imparfaites) qu’il va t’aider Ă vivreâ.
Et mĂȘme si ça semble anecdotique, pour une boĂźte qui a eu l’habitude de se diffĂ©rencier uniquement par sa technologie (une utilisation diffĂ©rente de la gĂ©olocalisation VS les concurrents), ça change Ă©normĂ©ment de choses dans le choix des mots dâune campagne.
On a quand mĂȘme conservĂ© deux piliers de notre ligne Ă©dito Ă cette occasion :
- Le registre de âvraie vieâ qui amĂšne Ă se retrouver face Ă son Crush lors d’un date et de le dĂ©couvrir en chair et en os. Cela sâest matĂ©rialisĂ© par le fait de montrer de vraies situations de dating, parfois un peu foireuses, sans maquiller la rĂ©alitĂ©.
- Le mot “Crush” lui mĂȘme : terme propriĂ©taire de la marque, lĂ oĂč les concurrents disent “Match.
L’objectif ultime Ă©tait de travailler notre image en nous rendant “trendy” plutĂŽt que d’encourager Ă mort Ă tĂ©lĂ©charger l’app. Tu vois la diffĂ©rence ?
En communiquant de cette maniĂšre, on a considĂ©rĂ©Â que notre diffĂ©renciation technologique Ă©tait dĂ©sormais acquise auprĂšs de notre cible (les gens savent quelle app de rencontre permet de retrouver les personnes qu’on a croisĂ©es dans la vraie vie), et qu’il fallait montrer un autre visage de notre marque, entre :
- Proximité,
- Empathie,
- Humour,
- DĂ©rision.
Rares sont les marques qui acceptent de communiquer sur leurs dĂ©fauts ou les travers de l’expĂ©rience qu’elles font vivre pour sĂ©duire de nouveaux utilisateurs.
Mais on a décidé de le faire. Et fierté : ça a cartonné !
Marie – 06 avril, 2023
IntĂ©ressant. Donc vous ĂȘtes partis des piliers de votre marque et vous les avez fait Ă©voluer Ă travers cette campagne.
Câest important de rappeler que les partis pris dâune marque et sa ligne Ă©ditoriale sont des attributs mouvants.
Ils crĂ©ent de la cohĂ©rence et de lâimpact mais ils doivent aussi rester proches du rĂ©el. Donc ĂȘtre susceptibles de sâaffiner au fil de lâĂ©volution des tendances (sociĂ©tales, business, technologiques, etc.)
Jâai lâimpression que câest ce que tu as rĂ©ussi Ă faire, bravo !
Pour conclure jâai envie de te demander ce que tu penses de lâĂ©crit dans la construction dâune relation amoureuse !
Tu as baignĂ© dans ce monde-lĂ pendant 3 ans : est ce que tu trouves que la plupart des gens sont Ă lâaise Ă lâĂ©crit ? Pour exprimer leur intĂ©rĂȘt, leur attirance, leurs sentiments ?
Lise – 10 avril, 2023
Dans le dating, tout se joue d’abord Ă l’Ă©crit. Enfin, non. D’abord, il y a les photos ahah !
Mais quand on veut draguer, on doit forcĂ©ment passer par l’Ă©crit, et en ayant bossĂ© dans ce milieu (mais aussi en tant qu’utilisatrice des apps), je me suis bien rendu compte que c’Ă©tait compliquĂ© de sĂ©duire avec les mots. Parfois on ne se comprend pas, on passe Ă cĂŽtĂ© de blagues qui auraient pu fonctionner Ă l’oral, ou d’un ton qui aurait donnĂ© un autre sens Ă une phrase.
Et puis savoir comment lancer la conversation aussi, c’est hyper dur.
Le manque d’originalitĂ© pour aborder l’autre provoque bien souvent l’absence de rĂ©ponse.
D’ailleurs, on a tendance Ă critiquer (Ă juste titre selon moi) le “Salut ça va ?” que les gens envoient par dizaines pour aborder leurs crushs/matchs.
Et ça, les apps de dating le savent trĂšs bien, car elles proposent bien souvent des “ice breakers” (des messages prĂ©-Ă©crits un peu fun pour lancer la conversation et briser la glace). Disons qu’elles savent qu’aborder quelqu’un sur une app peut ĂȘtre aussi challengeant que dans la vraie vie alors elles ont tendance Ă guider leurs utilisateurs pour y arriver.
Pour te rĂ©pondre Ă titre perso, en ayant Ă©changĂ© avec des mecs sur les apps, dĂ©jĂ j’ai Ă©tĂ© frappĂ©e par les fautes de français, d’orthographe, de syntaxe, mais bon, ça c’est mon cĂŽtĂ© rigide de rĂ©dactrice qui prend le dessus.
Mais surtout, on sent que les gens ont la flemme de séduire en fait. Il faut que tout aille super vite : on se dit bonjour, on échange vite fait, on se voit en vrai, et advienne que pourra.
Moi j’ai besoin de faire monter la curiositĂ© sur l’autre quand mĂȘme !
Elles ont vachement moins de gueule les Liaisons dangereuses d’aujourd’hui !
Marie – 12 avril, 2023
Ah MERCI Lise pour cette rĂ©ponse Ă la fois personnelle et honnĂȘte !
Câest fou que les apps de rencontre suggĂšrent des rĂ©ponses, je ne savais pas ! Un peu comme les raccourcis Gmail quoi !
Tristesse un peuâŠ
Je ne juge pas les gens qui ont du mal avec lâĂ©criture mais plus la sociĂ©tĂ© qui prive les gens de leur libertĂ© en leur faisant croire quâĂ©crire est un fardeau.
Quâil faut gagner du temps Ă tout prix et utiliser les IA pour faire le job Ă sa place.
Que lâĂ©criture est un produit de masse qui nâa de valeur que sâil est rentable.
Mais ce prisme est terrible parce quâil occulte toute la dimension libĂ©ratrice voire libertaire de lâĂ©criture !
Si tu nâarrives mĂȘme pas Ă Ă©crire ce que tu ressens Ă quelquâun qui tâintĂ©resse; si tu nâarrives Ă sonder lâautre; Ă faire monter le dĂ©sir; Ă jouer avec le rythme dâune conversation; Ă te dĂ©voiler ou Ă cultiver le mystĂšre, quand il le faut, Ă la dose que tu veux; bref, si tu as besoin quâun robot te souffle tes propres mots⊠oĂč est ta libertĂ© ?
Je mâarrĂȘte lĂ sur cette question qui nâa rien dâune lapalissade et qui reflĂšte toute ma vision de la puissance de lâĂ©criture.
Merci infiniment Lise pour cette correspondance passionnante entre sujets bien concrets de conception rĂ©daction et sujets plus philosophiques dâautant plus incontournables quâil est question de sĂ©duction.
SĂ©duire Ă©tant je crois, quâon lâadmette ou pas, la finalitĂ© de nâimporte quel texte !