Chers vous tous,

Elle s’appelle Marie – elle aussi – et je l’ai croisĂ©e au dĂ©tour du couloir d’une salle de soin thermal.

30 ans de mĂ©tier dans les yeux, dans les mains et dans le coeur, Marie n’est pas mĂ©decin, mais elle (re)connaĂźt le langage des corps comme peu savent encore le faire.

– “Coucou vous, alors, vous le sentez comment le soin aujourd’hui : doux đŸŒ€ ou fort đŸŒ¶ ?”

– “Bonjour Madame, mmmh fort đŸŒ¶ c’est bien non ?”

Elle sourit (avec les yeux). đŸ˜·

– “Vous savez, je vais vous raconter une histoire 
”

Je retire mon masque, m’approche de l’espace de soin et la regarde attentivement. Elle me fixe avec bienveillance. Celle qui n’a pas Ă©tĂ© Ă©rodĂ©e par la condescendance ou la bien-pensance. La vraie.

Et me dit :

– “Il y a plusieurs annĂ©es j’ai suivi une jeune fille de 16 ans, sportive, comme vous. Elle avait mal comme vous. Et elle me demandait chaque annĂ©e de mettre le paquet sur l’intensitĂ© du massage. Elle voulait que ce soit fort đŸŒ¶. Vous savez ?”

Elle inspire et fait une pause. Je la regarde en oubliant de cligner des yeux. Elle reprend :

– “Je voyais son corps. Il n’aimait pas le fort đŸŒ¶â€

J’ouvre encore plus grand les yeux et lui demande :

– “Comment vous voyez ça ?”

– “Parce que le corps rĂ©pond. Quand je projette un jet massant sur un muscle, je vois s’il se crispe ou s’il se dĂ©tend. Je vois les zones du corps qui absorbent le soin et celles qui le rejettent. Je vois quand les tissus s’assouplissent ou se braquent”

– “Et le corps de cette jeune fille n’aimait pas le fort đŸŒ¶ ?”

– “Non
elle, elle pensait que si j’envoyais de l’intensitĂ© ce serait plus efficace.

Et on est tous un peu comme ça.

Le monde nous apprend Ă  ĂȘtre plus actifs. Plus productifs. Plus rĂ©sistants. Plus connectĂ©s. Plus dominants.

Elle ne voulait pas m’écouter. Et moi je ne voulais pas choisir Ă  sa place.

Et chaque fois elle revenait.”

– “Ça n’allait pas mieux ?”

– “Non, rien ne changeait. Ça n’allait jamais mieux. Jusqu’au jour oĂč elle m’a demandĂ© 
. de faire “moins fort”. Enfin mĂȘme, de “faire doux đŸŒ€â€.”

Je souris. Elle reprend :

– “Son corps n’a pas rĂ©pondu de la mĂȘme maniĂšre. Pour la premiĂšre fois il a cessĂ© de se tendre
”

Je soupire. Elle ne me laisse pas le temps de rĂ©pondre mais je n’ai pas grand chose Ă  dire, je crois que j’ai compris. Elle me demande :

– “On fait doux đŸŒ€ aujourd’hui ?”

Je me pince les lĂšvres, mi-sourire / mi-douleur toujours en toile de fond, et j’acquiesce d’un mouvement de la tĂȘte.


3 points clés issus de cette histoire (vraie)

🔑 #1 – “Plus fort” sur Google : l’humanitĂ© (française) en 69 questions

J’aime bien me promener sur le site “Answer The Public” qui liste les principales requĂȘtes des Hommes d’un pays donnĂ©, sur un sujet donnĂ©.

Et j’ai cherchĂ© “plus fort” 🙂 (en France đŸ‡«đŸ‡·Â of course)

Je n’ai pas Ă©tĂ© déçue.

L’application rĂ©pertorie 69 questions principales – contenant les deux mots “plus fort” – que les gens posent le plus.

Comme toujours dans la marée humaine, il y a des questionnements touchants :

  • “Quand l’amour est plus fort que tout”
  • “Quand les sentiments sont plus forts que la raison”
  • “Comment ĂȘtre plus fort qu’un manipulateur”

D’autres surprenants :

  • “Quand l’argent est plus fort que l’amour”
  • “Qui est plus fort entre Messi ou Ronaldo”
  • “Plus fort que le diable”

 

En tous cas, chercher “qui est le plus fort” ou “comment ĂȘtre plus fort”, qu’il s’agisse de la vraie vie, de Fortnite ou des Ă©quipes de foot (c’est la vraie vie ou pas ça ?!) – est un sujet trĂšs humain ! Certainement lĂ©gitime. Mais Ă  affiner.


🔑 #2 – La maladie du “toujours plus” se soigne !

Au dĂ©but je pensais que la maladie du “toujours plus” Ă©tait le perfectionnisme.

Le vrai perfectionnisme. Pas celui que l’on dĂ©balle en entretien d’embauche comme faux dĂ©faut 🙂

Celui qui empĂȘche de vivre.

Mais
au regard de la violence actuelle Ă  l’Est de notre pays (pour ceux qui vivent en France) comme Ă  la porte de nos propres foyers – je crois que la maladie du “toujours plus” n’est autre que la maladie du “plus fort”.

Et si je ne saurais soigner les mĂąles (ou les femelles, mais il y en a moins) alpha en quĂȘte perpĂ©tuelle de domination et de pouvoir, je pense savoir Ă  mon Ă©chelle quoi vous dire.

Pour soigner ce “toujours plus” qui ne touche pas que les dirigeants des grosses boüte à fric ou des gouvernements les plus sauvages. Et qui nous affecte tous.

Toujours plus de clients, toujours plus d’argent, toujours plus de validation sociale, toujours plus de vues, de likes, de reconnaissance, d’approbation, d’objets, de performance physique ou mentale, de connaissances, (
)

(Je ne juge personne, je suis sévÚrement atteinte de cette maladie moi aussi. Pas dans tous les domaines pré-cités, voire dans certains hors liste. Mais à un niveau sympa :))

Ce mĂ©dicament ou plutĂŽt, ce “soin” anti “toujours plus”, c’est 
le “toujours mieux”.

D’ailleurs, nous pourrions presque retirer : “toujours” qui a comme un arriĂšre goĂ»t de : “trop fort” et le remplacer par : “souvent”.

“Toujours plus” » “Souvent mieux”

Vous en pensez quoi ? Cela nous amĂšne au 3Ăšme point. On ne peut plus actuel et concret.


🔑 #3 – Je n’aime pas du tout les challenges d’écriture sur Linkedin đŸ„”

Ça c’est dit.

Je ne sais pas ce qu’il se passe depuis plusieurs mois avec ces espĂšces de courses Ă  l’omniprĂ©sence et Ă  la publication quotidienne sur Linkedin.

J’en ai de la tachycardie rien qu’à imaginer tous ces gens devant leur Ă©cran blanc Ă  remplir d’un texte Ă  tout prix. Tous les jours. Avec ou sans truc Ă  dire de spĂ©cial.

Je ne sais pas au nom de quel enjeu, de quel objectif ou de quelle peur ?

Evidemment, je comprends le besoin de prendre confiance en soi, d’oser la rĂ©gularitĂ©, de dĂ©passer son auto censure et cet espĂšce de syndrome de l’imposteur qui s’immisce chez tout le monde.

Mais je ne comprends pas cet obsession du “toujours plus” et du “toujours plus fort” qui est pour moi antinomique de prises de parole posĂ©es, rythmĂ©es, rĂ©flĂ©chies, sensibles, fortes, prĂ©cises et singuliĂšres.

On ne balance pas des lignes (et des sauts de ligne) comme on mange des frites.

Peu importe son mĂ©tier. Qu’il soit liĂ© Ă  la plume – ou pas.

L’écriture est une arme superbe mais ce n’est pas une raison pour l’exploiter comme on tirerait sur une vache laitiĂšre.

🐄

C’est vous qui dĂ©cidez ce que vous avez Ă  dire, Ă  qui, comment, et quand.

Pas un algorithme ou une mode.

(Damn guys)

Soyez les maĂźtres de votre propre rythme.

Ah oui
 j’oubliais la derniĂšre phrase de Marie, aprĂšs mon ultime hochement de tĂȘte :

“Je crois que vous avez bien besoin de douceur ma chùre dame, comme notre monde d’ailleurs”

_

Pas vous ? ⛅ 🍬 đŸ« đŸ«‚ 💗

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Sweetly,

Marie 💙

Â